
Le groupe 77 Bombay Street. De gauche à droite: Simri, Esra, Matt, Joe Buchli
Photo © 77 Bombay Street
77 Bombay Street est un groupe de musique folk-rock et pop-rock originaire des Grisons. Le groupe est constitué de quatre frères issus d'une famille de musiciens, qui, en 2001, part habiter deux ans en Australie. À leur retour en Suisse, les quatre frères décident de former leur propre groupe et participent à de nombreux concours de musique avant de connaître un important succès national dès 2010.
Leurs uniformes font partie de leur image en tant que groupe. A l’origine, ces uniformes étaient destinés à accompagner la chanson «47 Millionaires», dans le but de paraître riches. Ensuite, l’idée d’avoir un style vestimentaire à la fois unique et commun à tous les membres du groupe est restée. Leurs uniformes, créés par leur mère, se déclinent ainsi en quatre couleurs différentes, une pour chaque frère.
Site officiel: www.77bombaystreet.com
Matt Buchli, l’aîné des quatre frères et aujourd’hui leader du groupe 77 Bombay Street, a accepté de répondre à nos questions au sujet de son groupe et de ce que signifie se lancer dans une carrière musicale en Suisse.
Ci-dessous figure la traduction/adaptation de l’enregistrement audio effectué en anglais. Avant de lire cette traduction/adaptation, répondez aux questions suivantes:
Lisez la traduction/adaptation de cette interview et répondez aux questions ci-dessous.
Comment avez-vous commencé à créer de la musique en tant que groupe ?
Nous avons commencé à jouer ensemble au sein de notre famille. Notre mère était une très bonne chanteuse et faisait du yodle dans un chœur. Elle avait donc beaucoup d’expérience musicale. Nous sommes partis ensemble en Australie en tant que groupe et là-bas nous avons appris l’anglais et appris à jouer des chansons des Beatles. À notre retour, nous nous sommes rendu compte que le fait de jouer ensemble comme avant au sein de notre famille commençait à nous manquer, alors quatre d’entre nous se sont réunis et ont décidé de former un groupe.
Nous avons tellement passé de bons moments en Australie, à Adelaïde, que nous avons pris notre adresse là-bas comme nom de groupe, donc Bombay Street, numéro 77. C’est de là que vient notre nom. Dès le début nous avons eu beaucoup de succès, nous avons gagné beaucoup de prix, participé à tous les concours de musique possibles, et avons passé de très bons moments.
Pourquoi avez-vous choisi de chanter en anglais plutôt qu’en suisse allemand, qui est votre langue maternelle ? Etiez-vous tous en accord avec cela ?
Oui pour nous c’était clair depuis le début que nous voulions chanter en anglais. Nous avons grandi avec de la musique anglophone. Au sein de notre famille nous chantions en suisse allemand mais cela ne nous correspondait pas, nous préférions chanter en anglais et toutes nos idoles, comme les Beatles, chantaient en anglais alors nous avions cette préférence. Les deux ans passés avec notre famille en Australie nous ont d’ailleurs beaucoup aidé dans ce sens-là.
Avez-vous déjà écrit ou pensé écrire des chansons en suisse allemand ? Et si ce n’est pas le cas, pourquoi pas ?
Oui nous y avons pensé, j’ai même essayé mais pour faire court nous n’avons pas beaucoup aimé cela. Nous préférions l’anglais et nous nous sentions plus à l’aise d’écrire des chansons en anglais.
Pensez-vous qu’il est difficile de devenir célèbre en Suisse ? Quels sont les plus grands obstacles que vous avez rencontrés ?
Oui je pense que c’est très dur. Nous avons été très chanceux. Il faut avoir beaucoup de temps et de patience. Il faut être au bon endroit au bon moment. Par chance, c’est ce qui s’est passé pour nous. Je pense que c’est peu courant, c’était un grand rêve pour nous, nous n’avons jamais abandonné, continuions à jouer, à tenter notre chance et fort heureusement c’est arrivé !
Pensez-vous que les groupes suisses allemands peuvent se sentir un peu « menacés » par ceux venant d’Allemagne, étant donné qu’ils viennent d’un pays bien plus grand ?
Oui je pense que c’est difficile. Je dirais qu’en tant que groupe suisse particulièrement, il faut faire quelque chose qui est unique. Si tu fais ce qu’un million de groupes fait déjà à travers le monde, ce sera difficile de percer. Tu dois essayer d’être authentique, spécial et unique. Tu donnes ainsi au public d’Allemagne, et peut-être même à celui des USA ou du Royaume-Uni, une raison d’écouter ta musique car il n’y a pas beaucoup d’autres groupes qui font ce que tu fais. Donc être unique, c’est très important.
Pensez-vous que le Röstigraben existe toujours quand il s’agit de musique ? En d’autres termes, percevez-vous une différence de notoriété et de succès entre les quatre parties linguistiques de Suisse ?
Oui bien sûr, nous ressentons une différence et pour nous cela est en réalité quelque chose de positif. Nous aimons beaucoup aller dans la partie francophone de la Suisse. Nos concerts y sont toujours supers. Les gens là-bas nous connaissent, il y a une bonne ambiance. Nous apprécions les Romands et la Romandie. Nous nous y sentons bien même si nous ne parlons pas très bien français.
Nous apprécions beaucoup le fait de vivre dans un pays qui a différentes régions linguistiques. Nous sommes également toujours très honorés d’aller jouer au Tessin.
Nous produire aux Grisons, où l’on parle romanche, c’est beaucoup plus « normal » pour nous, car nous habitons proche d’une région qui parle cette langue. Par exemple, le mois prochain [ndlt : février 2023] nous avons un concert dans cette partie de la Suisse. Nous venons aussi d’en donner un en janvier dernier et nous nous sentons toujours assez à l’aise de jouer là-bas. C’est toujours une ambiance un peu différente de celle des autres régions de Suisse, car chaque personne qui parle romanche parle aussi suisse allemand donc il n’y a pas vraiment de barrière linguistique dans ce cas-là.
Et en ce qui concerne le public ? Sentez-vous des différences ?
Oui, comme je l’ai mentionné précédemment, surtout au Tessin. Je pense que les gens là-bas aiment plus chanter que les Suisses allemands. Ils sont plus enjoués quand ils vont voir un concert. Ils commencent plus rapidement à danser et à chanter. Je pense que les Suisses allemands sont un peu plus dans la retenue. Et comme je l’ai dit, le public suisse romand est très ouvert et aussi plein d’énergie, surtout quand c’est de la musique pop/rock, par rapport aux Suisses allemands.
Pensez-vous que le Röstigraben agit également sur la façon de jouer des groupes suisses à l’intérieur et à l’extérieur de leur pays ?
Je pense que le problème vient un peu du fait que quand, par exemple, vous êtes un groupe qui chante seulement en suisse allemand, vous avez un public très restreint, de potentiellement 4 millions de personnes. A l’inverse, en Allemagne il y a 80 millions de personnes alors si vous rencontrez un minimum de succès en Allemagne vous devenez plus important et pouvez donc gagner aussi beaucoup plus qu’en Suisse alémanique. Tout cela fait qu’il est effectivement plus difficile de devenir célèbre et de vivre de sa musique ici en Suisse.
Dans une autre interview vous mentionnez le fait de souhaiter, pour le moment, plutôt vous consacrer à l’échelle nationale plutôt qu’internationale, pourquoi cela ?
En fait ce n’est pas moi qui ai dit cela, mais l’un de mes frères. Moi, j’adorerais jouer à une échelle internationale, j’en ai aussi le temps et l’énergie. C’est toujours un grand rêve pour moi, mais mes frères sont un peu moins partants. Avec leurs familles et leurs emplois respectifs, ils sont plutôt heureux de jouer en Suisse et en ce moment ils n’ont probablement ni le temps ni l’énergie de s’attaquer à d’autres pays que la Suisse.
Votre musique est plutôt joyeuse et vivante. Cela est-il important pour vous ou voulez-vous aussi parfois écrire des chansons plus mélancoliques ?
En fait, c’est volontaire, nous essayons toujours de produire des morceaux vivants, joyeux et entraînants. C’est important pour nous, car c’est aussi le genre de chansons qui marchent très bien lors des concerts. Les gens peuvent bouger, ils peuvent chanter avec nous. Nous préférons vraiment cela et cela apporte aussi une bonne énergie positive. Et en réalité, c’est plus difficile d’écrire des chansons joyeuses et entraînantes que tristes et lentes. Il faut la plupart du temps se forcer pour écrire des chansons joyeuses.
Où as-tu appris le français ?
J’ai appris le français à l’école. Je suis aussi parti travailler dans une ferme au Québec, près de Montréal. C’était une ferme productrice de lait, et je m’occupais surtout de traire les vaches. C’est comme ça que j’ai appris le français.
Est-ce que tous les membres du groupe parlent français ? Où tes frères l’ont-ils appris?
En fait je suis celui du groupe qui parle le mieux français. Malheureusement mon français n’est pas très bon et celui de mes frères l’est encore moins. Nous ne parlons pas très bien français.
Y a-t-il une différence entre ton niveau de français et le leur ?
C’est plus une question d’éducation je pense. J’ai fait ma maturité en Suisse et comme je l’ai raconté, je suis parti travailler dans cette ferme pendant six mois. J’ai donc pu pratiquer davantage et j’avais aussi plus de motivation d’apprendre le français. Je pense que mes frères n’ont jamais été réellement en contact avec la langue française et ils n’ont jamais vraiment eu l’occasion d’apprendre cette langue, ni à l’école, ni plus tard dans la vie.